Aujourd'hui, je reçois une carte rare et pleine d'histoire. Il y a malheureusement des histoires tristes ! Celle-ci raconte l'histoire d'Hiroshima au Japon. Sur cette carte, nous pouvons voir les ruines du Genbaku Dome, l'un des seuls bâtiments à ne pas avoir été entièrement détruits par la première explosion atomique de l'histoire.
Je ne suis pas professeure d'histoire mais voici une petite rétrospective.
La deuxième guerre mondiale fait rage depuis 1939. Les États-Unis et le Japon sont en guerre depuis décembre 1941. Et si le texte suivant extrait de la Vérité littéraire vous apprenait ce qu'on ne vous apprend pas en cours d'histoire ? Lisez plutôt :
"Le verbe mokusatsu a, paraît-il, quatre sens différents en japonais :
- prendre note de quelque chose,
- traiter quelque chose par un
silence méprisant,
- passer quelque chose sous
silence,
- et rester sagement dans
l'expectative (je traduis de l'anglais). Un verbe subtil, comme on voit, dont
la polysémie trop riche serait à l'origine du bombardement de Hiroshima, c'est
du moins ce que je lis dans le Bulletin d'information de l'Association des
traducteurs littéraires de France, sous le titre : « L'erreur de
traduction la plus tragique de l'Histoire. » En juillet 1945, les chefs
alliés réunis à Potsdam adressent un ultimatum au Japon, en stipulant que
« toute réponse négative entraînera une destruction immédiate et
massive. » Désireux sans doute de gagner du temps, le premier ministre Suzuki
répond aux journalistes qui l'assaillent de tous côtés : mokusatsu, ce qui dans son esprit peut signifier qu'il prend note
de la chose, mais ne fera pas de commentaires pour l'instant. Aussitôt les
agences de presse internationales publient des dépêches d'où il ressort que le
gouvernement japonais traite l'ultimatum par le mépris et ne juge même pas bon
d'y répondre. Furieux, les Américains décident alors le châtiment suprême, et
dix jours plus tard, ils larguent sur Hiroshima la première bombe atomique de
l'Histoire. Le traducteur français qui rapporte cet incident mémorable observe
avec bon sens que si, en l'occurrence, les interprètes sont les premiers
fautifs, c'est en fin de compte sur Suzuki que pèse la plus lourde responsabilité :
dans des circonstances aussi graves, il aurait pu choisir un mot moins ambigu
que ce mokusatsu dont il connaissait
forcément l'épineuse subtilité. Il aurait pu, certes, mais étant donné les
sentiments qu'on est en droit de lui supposer, mokusatsu n'était-il pas le verbe le plus indiqué pour dire tout à
la fois et son désir de temporiser, et son ressentiment à l'égard des
vainqueurs, qu'il ne pouvait pas exprimer plus clairement ? Mais dans ce cas il
n'y aurait pas à proprement parler de contresens : mus par une hostilité
plus ou moins consciente en face de l'ennemi, les interprètes ont retenu des
quatre acceptions possibles du mot précisément celle que Suzuki, plus ou moins consciemment
lui aussi, avait choisi de faire passer sous le couvert de son silence." (Marthe
ROBERT, La Vérité littéraire,
Grasset, 1981, p. 113).
C'est ainsi que les États-Unis orchestrent deux bombardements atomiques, l'un sur
Hiroshima (06 août 1945), l'autre sur Nagasaki (o9 août 1945). Et comme si un bombardement à l'arme atomique ne suffisait pas, la bombe elle-même a été soigneusement recouverte de signatures et d'injures à l'adresse des japonnais. Les 75 000 personnes tuées sur le coup, les 50 000 autres personnes mourant dans les semaines suivantes (le nombre total de morts reste aujourd'hui encore imprécis mais il est de l'ordre de 250 000) n'auront pas lu ces mots haineux mais elles en mourront.
Hiroshima fut entièrement reconstruite après la guerre et à l'initiative de son maire, Shinzō Hamai, elle fut proclamée Cité de la Paix par le parlement japonais en 1949.
Le 06 août 2015, le Japon a commémoré les 70 ans de la tragédie
d'Hiroshima, ville devenue un symbole du
pacifisme.
Le premier
ministre japonais, Shinzo Abe, a prononcé à cette occasion un plaidoyer contre l’arme nucléaire :
« En tant que seul pays frappé par l’arme atomique (…) nous avons
pour mission de créer un monde sans arme nucléaire. Nous avons la
responsabilité de faire comprendre l’inhumanité des armes nucléaires, à
travers les générations et les frontières. ». N'est-il pas surprenant que ce discours soit énoncé par le premier
ministre japonais ? Qu'énoncent les descendants des utilisateurs de cette arme atomique ?
Le maire d'Hiroshima, Kazumi Matsui, a demandé quant à lui de
supprimer les armes nucléaires, « le mal absolu ».
C'est en mai 2016, 71 ans après l'explosion de la bombe atomique, que le président américain Barack Obama se rend à Hiroshima pour rendre hommage aux victimes en marge d'une réunion du G7 qui se tenait au Japon. C'est le premier président américain en exercice à se rendre au Parc de la Paix.
Cette visite a créé la polémique aux États-Unis, notamment parmi les
vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui s'étaient battus contre
l'armée japonaise. Le jour où tous les hommes, peut importe leur origine, leur particularité, leur histoire, leur passé, se tiendront main dans la main prêt à s'entraider n'est malheureusement pas encore arrivé !
L'expéditrice de cette carte m'a aussi fait partager les paroles d'une chanson de Claude Nougaro (Il y avait une ville) tout à fait à propos. Les voici :
"Que s'est-il passé ?
J'y comprends rien
y avait une ville
et y a plus rien
Y a plus rien qu'un désert
de gravats, de poussière
qu'un silence à hurler
à la place où il y avait
une ville qui battait
comme un cœur prodigieux
une fille dont les yeux
étaient pleins du soleil de mai".
Merci à l'expéditrice de cette carte postale, Rita. Nous partagions une passion pour la danse, nous partageons dorénavant une passion pour les voyages... réels pour Rita et virtuels pour moi !